Dépénalisation de la simple consommation de drogue

Aujourd’hui en France, la simple consommation de substances classées sur la liste des stupéfiants est passible de lourdes sanctions prévues par l’article L.3421-1 du code de la santé publique : un an de prison et 3750 € d’amende.

Si la consommation de drogues comporte effectivement des risques, la répression du simple usage de drogues, délit sans victime, constitue un non-sens :

1.) elle est inefficace pour réduire la consommation : 45 % des Français ont déjà expérimenté le cannabis (chiffre le plus élevé en Europe), 22 % en ont consommé récemment (2e chiffre le plus élevé d’Europe), la consommation de cocaïne concerne 600 000 personnes en France, en hausse constante depuis vingt ans, la consommation de cocaïne et d’ecstasy/MDMA y est supérieure à la moyenne européenne…

2.) elle est extrêmement coûteuse : 1,72 milliards d’euros sont dédiés à la répression en 2023, soit 83,8% du budget total de l’État consacré à la « Politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives » ;

3.) contrairement aux objectifs affichés par le gouvernement, elle n’a pas d’incidence sur la lutte contre les trafics : dans les faits, 80 % des interpellations de la police pour infraction à la législation sur les stupéfiants ne concernent que l’usage simple ;

4.) elle éloigne les consommateurs du soin : renvoyer les usages de drogues aux marges de la loi, c’est rendre plus complexe pour les personnes en difficulté (notamment en raison de leur addiction ou désocialisation) l’accès à des professionnels de santé. En cas de problème grave, tel que l’overdose, les personnes sont réticentes à appeler les secours par peur de la sanction.

Nous demandons donc à ce que le code de la santé publique soit réformé et proposons un texte de loi qui met fin aux sanctions pénales pour simple consommation de drogues.

Cette réforme permettra :

1.) aux consommateurs de chercher sans crainte un accompagnement par les associations et professionnels de la réduction des risques et du soin ;

2.) de développer les actions d’information, de prévention et de réduction des risques qui ne seraient alors plus en contradiction avec la loi : il s’agit de protéger la santé des personnes et réduire le coût sanitaire et social des drogues qui pèse sur la collectivité ;

3.) de réinvestir l’argent public ainsi économisé par exemple dans des actions de prévention, de réduction des risques et des dommages et de soin ;

4.) de libérer des moyens et du temps pour les services de police et de justice afin de recentrer leur mission sur la protection des personnes, notamment les plus vulnérables socialement.


Supprimer les sanctions pour le simple usage de drogues

1.) ne revient en aucun cas à en faire la promotion ou à en faciliter la consommation : ce n’est pas une « légalisation » des stupéfiants, pas plus qu’une permissivité accordée aux comportements mettant en danger les personnes sous emprise de produits et des tiers (conduite routière, manœuvre d’engins, etc.) qui demeurent répréhensibles au même titre que pour l’alcool ;

2.) est conforme aux recommandations des instances internationales : l’ONU et l’OMS recommandent ainsi « la dépénalisation de la possession de drogue pour usage personnel », recommandation d’ailleurs déjà mise en œuvre dans plus de 50 pays.


La population française a également conscience de la nécessité du changement : 66 % des personnes interrogées dans un sondage CSA en 2020 jugeaient que « la pénalisation pour usage n’est pas efficace pour lutter contre la consommation de drogue ».

Enfin, cette réforme est soutenue par de nombreuses organisations et associations de policiers, magistrats, usagers, professionnels de l’addictologie, associations de défense des droits humains : Association guyanaise de réduction des risques (AGRRR), Aides, Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues (ASUD), Cannabis sans frontières, Collectif Police Contre la Prohibition (PCP), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Fédération Addiction, Groupe de recherche et d’études cliniques sur les cannabinoïdes (GRECC), Médecins du monde, Observatoire internationale des prisons, SAFE, SOS Addictions, Syndicat de la magistrature


Pour supprimer les sanctions pour consommation de drogues, nous proposons la loi suivante :

• le chapitre Ier (articles 1 à 11) supprime le délit d’usage de stupéfiants prévu par le code de santé publique, en modifie les articles qui mentionnent le délit supprimé tout en maintenant les sanctions pour les usages de produits psychoactifs susceptibles de mettre en danger la sécurité d’autrui,

• le chapitre II (article 12 à 14) corrige les dispositions légales qui citent l’article modifié par l’article 1.


☆ PROPOSITION DE LOI ☆


Chapitre Ier – Modifications du code de la santé publique

Article 1

Le code de la santé publique est modifié conformément aux articles 2 à 11 de la présente loi.

Article 2

L’article L. 3421-1 est ainsi modifié :
1° L’alinéa 1 est supprimé.
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots « si l’infraction est commise » sont remplacés par les mots : « L’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants » ;
b) Les mots : « , les peines sont portées à » sont remplacés par les mots : « est puni de » ;
3° L’alinéa 3 est supprimé.

Article 3

Au premier alinéa de l’article L. 3421-2 les mots : « les cas » sont remplacés par les mots : « le cas ».

(...)


Chapitre II – Dispositions diverses


Article 12

L’article 41-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A l’alinéa 17 sont ajoutés les mots suivants : « lorsque l’intéressé à commis l’infraction prévue à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique » ;
2° A l’alinéa 19 , les mots : « fait usage de stupéfiants » sont remplacés par les mots : « a commis l’infraction prévue à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique »

Article 13

Au premier alinéa de l’article L. 6232-15 du code des transports, les mots : « du deuxième alinéa » sont supprimés.

Article 14

Le code du sport est ainsi modifié :
1° Le 14ème alinéa de l’article R. 221-15 est supprimé.
2° L’article L. 212-9 est ainsi modifié :
a) Le 8ème alinéa est remplacé par l’alinéa suivant : « 8° Au chapitre VII du titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure » ;
b) Le 9ème alinéa est remplacé par l’alinéa suivant : « Aux articles L. 212-14, L. 232-25 à L. 232-27, L. 241-2 à L. 241-5 et L. 332-3 à L. 332-13 du présent code. »
c) Le 10ème alinéa est supprimé.